« Sais-tu, Simon, après la classe,
Comme un troupeau fuit son berger,
Courons aux champs ; faisons main basse
Sur tous les marrons du verger.
— Fœda, les marrons sont pour d'autres.
L'arbre est haut, nul de nous aux branches n'atteindrait,
Et , pour y grimper, il faudrait
Bien d'autres forces que les nôtres !
Adieu donc les marrons ! — Quelle idée ! et pourquoi ?
Vraiment, mon cher, la peur t'abuse.
Quand la force n'est pas pour soi,
On y supplée avec la ruse.
Attends! j'ai tout prévu :
jusqu'aux branches du bas
Pour grimper, cher petit compère.
Le dos courbé, tu m'aideras ;
Le reste ira tout seul, j'espère.
Ah ! les marrons vont voir beau jeu !
Jusqu'à la gorge il faut en prendre ! »
Mais la classe a cessé. Brûlant d'un nouveau feu,
Nos gourmands au jardin volent sans plus attendre.
Simon , tout essoufflé , de sueur est trempé,
Fœda sur son dos monte; il grimpe... il est grimpé.
Sur le sommet de l'arbre il s'installe à son aise,
Et , comme un rat dans un buffet,
Jusqu'à ce que sa faim s'apaise,
Il cueille et mange tout , dans un calme parfait.
Mais Simon, du régal n'ayant que les amorces,
En se léchant la bouche, errait aux environs,
Et Fœda, croquant les marrons.
Jetait à l'autre les écorces.
J'ai vu bien des Fœdas. Quand jusqu'aux hauts emplois
Leurs amis les poussant engraissaient leurs familles,
Des parvenus d'hier les amis d'autrefois
N'avaient toujours que les coquilles.