Dv verger paternel Chloé jeune et vermeille,
Revenait au logis, marchant à petit pas,
Et portant dans une corbeille
Des pommes d'or, tribut des plus heureux climats.
Un Écolier suivait la belle.
Méditant de porter la main
Dans la corbeille aux fruits, il rôdait autour d'elle,
Et, pour mieux cacher son dessein,
Courait, tourbillonnait, effleurait le chemin,
Aussi léger qu'une hirondelle
Qui va rasant, à tire-d'aile,
Les eaux d'un limpide bassin.
Chloé marchait sans défiance.
L'Ecolier, espiègle et malin,
Escamote une orange, et fier de son larcin,
S'arrête en l'admirant d'un œil de complaisance.
Mais, ô douleur ! le Maître avait tout vu de loin.
Censeur atrabilaire, inflexible témoin,
Il accourt à grands pas. — Holà ! monsieur Alphonse,
Approchez, que je vous semonce !
De quel droit, s'il vous plaît, glissez-vous, aujourd'hui
Une furtive main dans le panier d'autrui ?
Donnez-moi cette orange. Osez-vous à votre âge,
Du métier de filou faire l'apprentissage ?
Le coupable, les yeux baissés,
Donne l'orange. Rougissez,
Ajoute le maître en colère.
Par un châtiment exemplaire
Je devrais... Mais je sens que je suis en courroux :
Otez-vous de mes jeux ; allez... retirez-vous.
L'Ecolier croyant fuir Lucifer en personne,
S'évada précipitamment.
A peine fut-il loin, que seul, et gravement,
L'autre mangea l'orange, et la trouva fort bonne.
Je connais des pédants pareils à celui-ci,
Sermoneurs sachant bien se réserver la pomme.
Si vous les connaissez aussi,
Qu'est-il besoin que je les nomme ?