Pour composer leur miel, des Abeilles sensées,
Depuis longtemps s'étaient fixées
Par préférence en un vaste jardin,
Où dès le lever de l'aurore,
Elles voyaient sans cesse éclore
L'œillet, la rose et le jasmin,
Les fleurs de lavande et de thym,
Celles de citron et d'orange,
Dont elles faisaient grand butin
Des les premiers beaux jours jusques à la vendange,
Aussi leur miel délicieux
Contentait le goût et les yeux.
Un autre jeune essai, moins sage,
Sans beaucoup de précaution,
Dans un bois, près d'un marécage,
Choisit son habitation.
Mais qu'en arriva-t-il ? Il n'eut pour son partage
Que des fleurs dont le suc insipide et sauvage
Ne lui donna qu'un miel peu gracieux :
Ainsi furent payés les foins laborieux.
L'Abeille fut toujours des auteurs le symbole,
Toujours on compara son travail et le leur.
Comme sur les fleurs elle vole,
Pour en composer sa liqueur,
Des Savants des différents âges
Ils parcourent de même avec soin les ouvrages.
Mais ainsi que le miel contracte la faveur,
La bonne ou la mauvaise odeur
Des fleurs dont se nourrit l'Abeille diligente ;
Les productions d'un Auteur
Prennent le goût, le ton, le vernis, la couleur
De ceux qu'assidûment par l'étude il fréquente.