Au conseil des oiseaux, pour une bagatelle,
Avec un Rossignol un Serin prit querelle.
C'était à qui dirait le premier son avis
Mais la dispute échauffant les esprits
On se lâcha quelques paroles vives ;
Puis on en vint aux invectives.
Tu t'applaudis trop de tes chants,
Et tu n'es, après tout, qu'un chantre du printemps,
Disait au Rossignol l'oiseau de Canarie.
À te voir en tout autre tems,
On croirait que ta langue a toujours la pépie.
Même au silence tous les ans,
fendant plus de dix mois, ta voix est condamnée ;
Pour moi, durant toute l'année,
Je fais entendre mes accents.
Je ne chante, il est vrai, qu'en la saison nouvelle
Et j'y passe à chanter et les jours et les nuits,
Lui repartit le Rossignol fidèle.
Mais c'est pour charmer les ennuis
De ma diligente femelle,
Dans son nid, constamment occupée à couver.
Ses œufs sont-ils éclos ? Un autre soin m'appelle,
A nourrir mes petits, puis à les élever.
Je ne fais plus alors retentir la campagne
Des sons touchants de ma brillante voix ;
Je conduis et je mets à l'abri, dans les bois,
Et ma tendre couvée et ma chère compagne.
Pour toi, toujours léger, volage en tes désirs.
Tu laisses sans secours ta compagne attachée
Aux pénibles emplois d'élever ta nichée,
Et ne penses qu'à tes plaisirs.
J'en prends pour juge l'assemblée.
Le pas au Rossignol fut adjugé d'emblée.
Que voit-on parmi les humains ?
Très peu de Rossignols, grand nombre de Serins.
C'est le train le plus ordinaire ;
Beaucoup parler et ne rien faire.
Note de l'auteur : Tous les Serins ne tiennent pas cette mauvaise conduite ; mais plusieurs cassent les œufs dans le nid, battent leurs femelles et les obligent d'abandonner leurs petits. J'ai vu plusieurs mâles qu'on était obligé pour prévenir ces inconvénients de séparer de leurs femelles. C'est ce qui m'a donné occasion de faire cette Fable, qui n'est vraie que pour ces faits particuliers.