Deux Rossignols chantaient à l'ombre d'un feuillage,
Et les échos des forêts,
Pour mieux ouïr leur ramage,
Semblaient exprès
Rester muets.
Non loin de là paissait un héros d'Arcadie.
Pour la première fois son oreille engourdie
Est attentive aux accents
Des messagers du printemps.
Aliboron s'enflamme ; il ose même croire
Qu'il peut filer aussi des sons harmonieux,
Et du chant disputer la gloire
Aux Rossignols mélodieux.
Or voilà qu'il entr'ouvre une large mâchoire,
Et le nouveau Stentor fait retentir les bois
Du tonnerre effrayant de sa bruyante voix.
Je laisse à penser quel vacarme.
Voilà nos Amphyons ailés
Qui tout-à-coup ont pris l'alarme :
Que dis-je ? ils se sont envolés.
L'Ane en tressaille d'aise ; il dresse les oreilles,
Il agite sa queue, il se frotte les flancs,
Saute, bondit à travers champs,
Et croit avoir fait des merveilles.
Bref, dans ses risibles transports
On l'entend s'écrier alors :
Aux doux sons de ma voix ils ont fui sans trompette,
Messieurs les Rossignols : preuve de leur défaite.
Ma foi, vive un baudet pour former des accords !
Dans plus d'un cercle littéraire
Il en arrive autant ; là, d'impudents Midas,
Étouffant chez autrui le talent qu'ils n'ont pas,
S'imaginent chanter, lorsqu'ils ne font que braire.