L'Oiseleur et les petits Rossignols Nicolas Grozelier (1692 - 1778)

Au pays fabuleux j'ai fait plus d'un voyage :
Là, de même qu'aileurs, quiconque a beaucoup vu,
Peut avoir beaucoup retenu,
Comme dit un commun adage.
De ce pays j'ai rapporté
Certains faits, dont on peut tirer utilité ;
Mais celui-ci, par préférence,
Mérite d'être raconté,
Et je le crois d'usage en mainte circonstance.

Un Oiseleur avait pris dans un bois
De Rossignols une tendre couvée,
Et par ses soins d'espace de six mois
Assidûment il l'avait élevée.
De ces petits au son du flageolet
Il formait le naissant ramage,
Et pour mieux les dresser, il les tenait en cage.
Enfin, lorsqu'il se crut assez sûr de son fait,
Pour les produire en compagnie,
Il les y mène et se promet
De recueillir le fruit de sa rare industrie,
En voyant admirer leur docte symphonie
Et de leur voix la touchante harmonie.
A son dire, c'était un orchestre complet.
Déjà chacun préparait ses oreilles,
Et tous comptaient d'entendre des merveilles.
Mais il fallut s'en passer cette fois :
A la petite trouve interdite et troublée
Par cette brillante assemblée,
Il ne reste ni mémoire ni voix.

C'est le défaut ordinaire au jeune âge
D'être en public déconcerté.
De vos talents voulez-vous faire usage,
Enfants, écoutez moins votre timidité.

Livre I, fable 1




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