Un oiseleur ayant fait bonne chasse,
Tenait en réserve en lieux surs,
Force moineaux pour ses besoins futurs ;
Et fort souvent il en vidait la place.
Les oisillons alors se mettaient à crier,
A voltiger, à fuir, à supplier ;
Mais notre ogre était sourd à leur touchant langage,
Et chacun à son tour ne sortait de la cage,
Que pour passer aux mains du cuisinier.
Un jour pourtant au fer de la volière
L'ogre se blesse, et la douleur
Mouille les yeux de l'oiseleur.
« Oh ! doux effet de la prière,
« Dit l'un des innocents captifs !
« Sur notre sort, que sert d'être craintifs ?
« Voilà bien qu'à notre faiblesse
« Notre maître enfin s'intéresse ;
« Puisque des pleurs mouillent ses yeux,
« C'est qu'il va par pitié nous rendre à l'air des cieux.
« Non, chasse une folle espérance,
« Dit un autre ; l'expérience
« M'apprend trop malheureusement,
« Qu'il n'est pour nous aucun soulagement.
« Ce n'est pas dans les yeux du maître,
« Qu'il te faut lire notre sort,
« Vois ses mains., tu pourras connaître
« Ce qui retarde notre mort. »
Il avait raison, dans ce monde
On n'éprouve plus de pitié.
En égoïstes purs lorsque le siècle abonde,
L'intérêt par malheur sait toujours prendre pié.
Veut-on approfondir et découvrir la cause
De ce qui bien souvent passe pour un beau trait ?
Soulevez le rideau, le mobile apparaît,
Et sur l'intérêt seul, on voit bien qu'il repose.