Dans un bocage solitaire,
Refuge de nombreux oiseaux,
Un Oiseleur, avec mystère,
Arrangeait sous un peu de terre
L'artifice de ses réseaux.
Rossignol, pensait-il, ornement du bocage,
Aimable chantre du printemps,
C'est pour vous qu'aujourd'hui je passe ici mon temps,
C'est vous qui viendrez dans ma cage.
Je vous aurai, car je vous vois.
Messieurs les hôtes de ces bois,
Je vous connais ; je sais par où vous prendre ;
J'ai le don d'imiter la voix
De plusieurs d'entre vous ; et quant à vous surprendre,
Si j'y manquais à la première fois,
J'y reviendrais, je puis attendre.
Pour mes filets, je sais les tendre,
Et je connais les bons endroits ;
Messieurs les hôtes de ces bois,
Je vous tiens tous de bonne prise ;
Ici, j'en ai pour plus d'un jour,
El de vous tous, et tour à tour,
Je ferai bonne marchandise ;
Vous, linot, par la friandise ;
Vous, pinson, vous êtes jaloux,
Un rival me répond de vous ;
Dès demain, par son entremise,
Vous chanterez sous mes verrous.
Vous, Rossignol, j'arrange votre affaire,
Je vous vois me regarder faire ;
Vous êtes curieux : vous serez pris par là.
Comme il ruminait tout cela,
Le Rossignol lui dit : « Que faites-vous, de grâce,
Si longtemps à la même place ?
— Ce que je fais ? J'enlace un peu de crin
Avec un peu de mousse, avec quelques brins d'herbe,
Et je bâtis un nid superbe,
Nid d'un oiseau qu'on appelle serin,
Inconnu dans ces lieux et qui vient d'Amérique
Exprès pour vous entendre ; il arrive ce soir.
Vous serez charmé de le voir,
De l'écouter aussi, car cet oiseau se pique
De chanter à l'égal de vous.
On dit même que sa musique
A quelque chose encor (n'en soyez pas jaloux)
De plus suave, de plus doux.
En l'attendant, je lui prépare
Ron logis, bon accueil, et le nid le mieux (ail.
Rien de trop charmant, en effet,
Pour la merveille la plus rare. »
L'Oiseleur s'éloigne à ce mot.
Le Rossignol, tout aussitôt,
De voltiger de branche en branche,
Et d'accourir pour voir de près
Ce beau nid qu'on a fait exprès
Pour ce beau rival d'outre-Manche,
il vole, hésite, approche, el ne voit mil danger
A visiter le nid de l'étranger ;
Même, il s'essaie à se ranger
Sous l'ornement qui le décore ;
Approche un peu plus près, puis il approche encore,
Si que, trouvant ce qu'il cherchait,
Le voilà pris au trébuchet.
« Et d'un, dit l'Oiseleur, qui se tient à distance.
Je suis à vous ; j'ai là tout ce qu'il faut
Pour vous prêter bonne assistance.
Entrez, petit ; venez, sans résistance,
Justifier cette sentence :
Chacun est pris par son défaut. »