L'Écolier et le Moineau Nicolas Grozelier (1692 - 1778)

Rien pout un Ecolier n’est si cher qu'un Moineau
Ils sont faits l'un pour l'autre au même badinage.
Si le moineau sait plaire aux enfants de cet âge,
De leur humeur légère il est le vrai tableau.
Pamphile en avait un qu'il caressait sans cesse,
C'était l'unique objet de toute sa tendresse,
Comme il était aussi tout son amusement.
De son côté l'oiseau charmant
Faisait mille tours de souplesse.
Il défendait sa queue avec adresse ;
Lorsque du doit on l'agaçait,
Plein d'une fureur vengeresse,
Trémoussant l'aile il s'y jetait
Et fortement le picotait.
D'autre fois il faisait merveille
A béqueter ou la langue ou l'oreille.
A chaque instant c'étaient de nouveaux tours
On laissait pour ces jeux les livres et l'étude.
On vivait sans inquiétude :
Le Précepteur en grondait tous les jours.
Il eut cent fois, dans son impatience,
Fait prendre la volée à l'oiseau trop chéri :
Par les pleurs de Pamphile il était attendri.
Mais une triste circonstance
Du Maître en un moment satisfit les désirs
Et du disciple enleva les plaisirs.
C'était au beau printemps, la campagne était verte.
Pour prendre sur le soir quelque délassement,
On sort du cabinet avec empressement,
Et la fenêtre reste ouverte.
Le Moineau, sans savoir ni pourquoi ni comment,
En étourdi s'élance dans la plaine,
Y voltige longtemps. S'étant mis hors d'haleine,
Sur un arbre il vient se pencher ;
Bientôt il s'y sent accrocher
Au branchage touffu de la verte feuillée
Par un malheureux fil, dont sa patte est liée.
Quel est était l'usage ? Il servait à ces jeux
Où Pamphile et l'oiseau se délectaient tous deux.
Le pauvret veut le rompre, il en serre les noeuds,
Et plus il fait d'efforts, plus ce lien l'arrête.
Bref, en se débattant, il se blesse à la tête.
Pénétré de douleur dans ce triste accident,
Il reconnaît son imprudence,
Et condamnant son inconstance,
Il jette enfin de loin un regard languissant
Sur la chère prison qu'il regrette en mourant.

C'est à vous, volage jeunesse,
Que cet apologue s'adresse,
Vous dont le cœur est emporté
Par l'amour est la liberté.
Voyez dans quel danger ce fol amour engage :
Que le malheur d'autrui serve à vous rendre sage.

Livre I, fable 2


Voici une fable pour laquelle je peux dire : "Je ne l'aime pas". Je pense l'exact opposé et cela me paraît dans l'ordre des choses que la jeunesse soit impétueuse et ne cherche pas à être "sage".

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