L’Ours et l’Ecolier Léon-Louis Buron (1810 - 1895)

— Monte à l’arbre, Martin ;
Fais-nous voir à l’instant ta ruse et ta souplesse,
Ta grâce et ton adresse,
Criait un écolier à l’œil vif et mutin,
A l’ours le mieux léché de ce jardin des Plantes
Où, jeune enfant,
J’ai fait promenades charmantes.
Sur l’arbre l’étourdi, joyeux et triomphant,
Faisant glisser une longue ficelle,
Au bout d’icelle
II avait attaché, non pas un dur galet,
Mais petit pain mollet,
Bien fait pour exciter cet appétit vorace
Qui distingue des ours la redoutable race.
Tranquillement assis, Martin, sans s’émouvoir,
D’un air de bon apôtre,
Tantôt clignait un œil et tantôt clignait l’autre,
Feignant de ne rien voir.
— A l’arbre, paresseux ! dit l’enfant en colère,
Animal indolent,
Le mets est succulent,
Et la peine aura son salaire.
Faut-il donc, bel oiseau,
Te le fourrer dans le museau ?
— Calmez-vous, mon ami ; cet animal sauvage,
Dit à notre marmot quelque grave mentor,
J’en conviens, à grand tort ;
Mais êtes-vous plus sage ?
Le savair pour l’esprit est un mets précieux ;
Eh bien ! de l’acquérir vous mettez-vous en peine ?
En classe vous jouez, vous écoutez à peine ;
Ne blâmez pas trop l’ours : vous n’agissez pas mieux.

Pour posséder, jouir, l’ardeur est générale ;
Le profit sans le mal, voilà notre morale.





Commentaires