Le Fer et la Lime Nicolas Grozelier (1692 - 1778)

Un jour le Fer, en se plaignant
À la Lime disait : Quelle est ton injustice !
Toujours rongé par ta cruelle dent,
Atténué, réduit presque au néant,'
£e souffre de ta part un éternel supplice.
Qu'il te sied bien dé te plaindre de moi y
Lui répond la Lime en colère,
Pendant que je fais tout pour toi !
Sans moi, que serais-tu, masse informe 8c grossière r
Amas d'une vile matière ?
Ne te donné-je pas cet éclat, ce poli,
Qui te rend propre à mille usages,
Et qui te fait briller dans de si beaux ouvrages ?
N'es-tu pas par mes foins un chef-d'œuvre accompli ;
Lorsque t'ayant donné là forme de rouages,
Tu fuis, à pas comptés, la marche du soleil,
Tu marques les instants, les heures et les âges,
Dans une égalité qui n'a rien de pareil ?
la Lime disait vrai, ses raisons étaient sages
Venons à l'application.
Voulez-vous mériter l'estime ?
Souvent sur votre ouvrage il faut passer la lime,
Ou renoncer à la perfection.

Livre I, fable 18




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