Le Bourgeois et les Grenouilles Nicolas Grozelier (1692 - 1778)

Un Bourgeois faisait si grand cas
Du chant de la Grenouille-,8c cette mélodie
A son oreille était tant assortie,
Que dès qu'il voyait le tems bas
Annoncer sûrement la pluie,
De courir il ne manquait pas
Eres d'un marais à cette symphonie.
Bien plus, pour l'avoir à souhait,,
Et sans se donner tant de peine,
II nourrissait dans un bacquet.
De ces chantres une-douzaine,-
Qu'il gardait dans son cabinet..
Pour rendre le concert parfait,.
Que n'y joignait-il un Baudet !
Dans cette charmante harmonie ;
Il n'eut pas mal-fait sa partie ;:,
Le plaisir eût été complet.
Mas d'où pouvait venir cette bizarrerie,
Demandera quelqu'un ? La réponse est unie.
Dans les choses de sentiment,
On ne doit point chercher ni pourquoi, ni comment
Lun a tel goût, l'autre, telle manie.
On y perd son raisonnement.

Laissons chacun agir à penser à sa guise :
Vouloir réformer tous les goûts,
Et mouler les autres sur nous,
Ce serait trop sorte entreprise.

Livre I, fable 17




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