Le Bourgeois et le Perroquet Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Un honnête bourgeois ayant perdu, sa femme,
Et ne trouvant à qui parler,
Chez un marchand d'oiseaux prit le parti d'aller
Pour en acheter un qui. remplaçât la dame.
Il vit beaucoup d'oiseaux parleurs,
Des perroquets surtout et de toutes couleurs ;
Des verts, des blancs, des gris, des jaunes, puis un rouge
Tout aussi sérieux que quiconque ne bougé.
« A l'eau, s'écriait l'un, à l'eau ! »
Puis l'autre : « Pommes au boisseau »
Et celui-ci : « Tendresse,
Verduresse »
Et celui-là : « Vieux galons, vieux habits. »
On entendait là tous les cris
Dès divers marchands de Paris.
Le bourgeois s'adressant au rouge personnage,
Lequel était perché gravement sur sa cage,
Lui dit : « Eh bien ! et toi,
Philosophe, dis-moi-;
Que fais-tu dans ton importance ?
« Je pense, »
Répond le perroquet.
Notre homme croit alors avoir trouvé son fait ;
Il le marchande, puis l'achète
Le voilà donc nanti de son oiseau penseur
Dont il espéré, un jour, faire Un très-beau parleur ;
Mais, en vain, à l'instruire il se cassé la tête ;
Le perroquet toujours ne fut qu'un maître sot
Qui, trompant l'acheteur par sa belle prestance,
Ne sut rien dire que ce mot :
« Je pense. »

Tel qui semble penser ne pensé et ne dit rien,
Et tel fort beau parleur dé penser se dispense :
Sur les faits jugez l'homme et non sur l'entretien.

Fables nouvelles, Livre IV, Fable 11, 1851




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