Un Sansonnet, dès son enfance
Pris au nid, eut pour nourricier
Par aventure un maître savetier
Qui du matin au soir le sifflait d'importance.
L'oiseau sifflé sur tous les tons,
Apprit des airs de toutes les façons.
Après un jour trouvé la porte de sa cage
Entr'ouverte, il s'échappe et vole dans les bois,
Se joint aux oiseaux de sa race,
Et fier de son savoir, fait entendre sa voix,
Croyant que pour le chant aucun d'eux ne l'efface,
Quel est donc ce chantre nouveau,
Dit un vieux Sansonnet ; que vient-il nous apprendre ?
À ses chants si guindés on ne peut rien comprendre.
Chassons cet étranger ; oui, c'est un autre oiseau,
Qui, paré de notre plumage,
Vient s'introduire parmi nous
Pour réformer notre langage.
Il ignore notre ramage ;
Par ses chants affectés il nous gâterait tous.
La harangue à peine finie,
Toute la troupe réunie
Tombe à grands coups de bec sur le contrebandier.
Avec sa nouvelle musique,
On le renvoie à la boutique
De son maître le savetier.
Rien n'est si beau que la nature.
En voulant la charger d'ornements superflus,
On l'altère, on la défigure.
Elle-même se cherche et ne se trouve plus.
Que de gens aujourd'hui suivent ce goût bizarre
Parmi le peuple artiste, Auteur, Musicien !
Hors du naturel on s'égare ;
Sans lui rien n'a de grâce, avec lui tout est bien.