Le Rossignol et le Serin Jean Guillaume Hillemacher (1784 - 1867)

Un jour le Chantre ailé des bois, provoque le Serin au combat de la voix. Les hôtes des forêts écoutent en silence. Le Rossignol prélude, il module en cadence un air harmonieux qui charme tous les cœurs des Auditeurs.
Chacun admire l’élégance de ses accents divins, de ses sons séducteurs et sans attendre que le Serin ait fait entendre sa voix tendre, (des hommes n’est-ce pas la façon de juger ?) des habitants de l’air, le stupide vulgaire dit qu’au Rossignol seul le prix doit s’adjuger et que son rival doit se taire. Le Serin, de ce jugement, n’avait pas lieu d’être content. Messieurs, s’écria-t-il, écoutez-moi, de grâce ! Quand j’aurai chanté, vous pourrez décider,
— Qu’ose-t-il donc nous demander ? Que cet étranger a d’audace ! disaient quelques oiseaux incivils et pesants, ignorants et méchants.
Mais les plus prudents, au contraire, prétendent que l’on doit admettre sa prière. Le peuple cède à leurs désirs. Le Serin siffle alors : l’ariette est charmante et telle que Grétry quelquefois en invente, quand il pourvoit à nos plaisirs. Le sentiment bientôt varie ; chacun l’entend, chacun l’envie ; mais l’embarras commun est d’accorder le prix, l’un pour le Rossignol a donné son suffrage ; l’autre au Serin décerne son hommage et tous sont partagés en différents avis. Alors un Geai prit la parole ; oiseau spirituel, autant que beau parleur ; (il avait profité des leçons de l’école.)
- Mes amis, leur dit-il, pourquoi cette fureur ? A quoi bon ces débats ? Jugeons la chose en sages. Ces deux Musiciens ont charmé nos bocages. Sans fard, il faut les encenser, ainsi que sans mesure. L’un est le chef-d’œuvre de l’art ; l’autre est celui de la nature.

Contes, fables et poésies, 1864




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