Les deux Abeilles Auguste-Alexandre Simon (1791 - 18**)

Deux Abeilles de compagnie,
Tout en bourdonnant, folâtrant
Au sein de la plante fleurie,
De son doux parfum s'enivrant,
Touchaient à la fin de l'automne ;
Sans gite et sans provision
Pour passer la froide saison.
Qui, d'avance on lésait, ne ménage personne.
Les oiseaux printaniers fuyaient pour d'autres bords ;
La moins jeune en fil part à sa folle compagne.
Occupons-nous, dit-elle, à réparer nos torts,
Et, sans perdre un instant, mettons-nous en campagne.
Pendant que le zéphir règne encore en ces lieux,
Cherchons un bon abri, travaillons sans relâche ;
L'inexorable temps précipite sa marche.
Profitons des avis que nous donnent les deux.
— Vous radotez, ma c| 1ère Amie !
Sitôt trêve aux plaisirs ; mais vous n'y pensez pas,
Jouissons «les biens de la vie,
Nous sommes loin des noirs frimas.
Ainsi parlait la jeune abeille,
Et, méprisant tous les avis,
Aux bons conseils fit sourde oreille,
Et s'en donna sans nuls soucis.
L'autre fit grande diligence,
S'assura d'un abri pour elle et sa moisson,
Et s'enferma dans sa maison,
Avec la paix et l'abondance.
Il était plus que temps, car l'hiver furieux
Arrive au même instant : tout a changé de face.
Flore s'incline, expire, et les pleurs de ses yeux
S'arrêtent sur ses joues en longs ruisseaux de glace.
Mais tandis que du nord descendent tous les maux,
Notre abeille prudente et sage,
Tranquille, à l'abri dé l'orage,
Goûte le fruit de ses travaux.
C'est alors qu'une voix plaintive,
Vint pénétrer sous ce fortuné toit.
Elle supplie implore ; hélas ! plainte tardive,
La réponse te glace encor plus que lé froid.
— Ah ! Ah ! vous ici, ma mignonne ;
C'est vous y prendre un peu trop tard ;
Souffrez qu'en prudente personne
Je garde le tout pour ma pari :
Ma pitance suffit à peine
Pour gagner la saison des fleurs ;
Allez chercher vivres ailleurs,
Et, quant au logement, je suis trop à la gêne.
L'imprudente trop tard, d'un repentir amer,
Voit ses torts, et, transise, à la douleur succombe.
Et moi, je grave sur sa tombe,
Ce qu'a dit Là Fontaine : amassons pour l'hiver.
Des erreurs «le notre jeunesse,
L'automne doit nous avertir ;
En négligeant ce temps, on s'expose à périr,
Sans secours, sans amis dans la froide vieillesse.

Livre I, fable 9




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