Un arbre, au sein d'une prairie,
Le pied baigné d'un clair ruisseau,
De voyager mourait d'envié,
Quoi qu'ayant à loisir air pur et bon terreau !
Fixé, s'écriait-il, aux lieux qui m'ont vu naître,
J'y desséché, j'y meurs, voilà mon avenir
Dieu reçoit mon premier et mon dernier soupir
Où, malgré moi, j'ai reçu l'être. :
Je vois, dans mes rameaux, les oiseaux voltiger ;
L'abeille en bourdonnant, dans mon sein se repose ;
Je vois le cerf courir, et les poissons nager,
Le léger papillon folâtrer sur la rose.
Hélas ! si je pouvais, comme eux,
Aller, venir, changer de place ;
Mais non, la nature est de glace,
S'il s'agit de me rendre heureux !,..
La prévoyante Providence
N'écouta point sa lamentation,
Et borna tonte sa vengeance
A lui donner une leçon.
A sa voix, la tendre hirondelle
Accourt, volant de climat en climat ;
Sur l'arbre mécontent |a pauvrette s'abat,
Soupirant sa peine cruelle,
« Arbre chéri du ciel, prête-moi ton secours,
J'ai perdu !
De mes petits, do mes amours ;
Je suis sans soutien, sans Pairie !
Errante dans tout l'univers,
Exposée aux sombres orages,
La mort m'attend dans mas voyages,
C'est le moindre de mes revers.
Que n'ai-je comme toi ce petit coin de terre,
Pour y passer mes jours dans la paix, le repos !
Mais chassons à l'instant celte douce chimère ;
L'instinct parle, je pars, souviens-toi de mes maux »
Soudain la voilà qui s'envole ;
Et l'arbre de jurer qu'on, ne l'y prendra plus ;.
Mais, dès le lendemain, il trahit sa parole ;
Les serments, ici-bas, sont des mots superflus.
C'est en vain que la Providence
Nous donne à l'infini conseils, sages leçons ;
Jamais contents, nous murmurons
Au sein même de l'abondance.