Éloi mon voisin Remacle Maréchal (1796 - 1871)

« Holà, hé! camarade Éloi,
Où cours-tu donc ainsi ? Quelle affaire pressée ?
J'ai la tête bouleversée ;
Laisse-moi me sauver. - Dis-nous du moins pourquoi.
Comme tantôt, en homme sage,
Je voulais mettre à jour mes comptes de ménage,
Tout-à-coup ne voilà-t-il pas
Que du diable poussés mes petits scélérats,
Près de la chambre où je travaille,
S'en viennent jouer aux soldats :
« Et rataplan, plan, plan, rataplan, arme aux bras !
>> Rataplan, rataplan, marche ! à droite ! en bataille ! >>
J'avais beau leur crier : Finirez-vous, canaille !
Ils n'en faisaient que plus de train ;
Si bien que, hors des gonds j'allais sortir enfin,
Quand arrive à point mon épouse :
Oh ! lui dis-je, Doudou, pour l'amour de Dieu, va
Mettre ordre à ces galopins-là,
Ils font du bruit autant que douze.
C'est la septième fois qu'en comptant je me blouse :
Ouf ! je n'en puis plus, je suis sourd...
Sitôt fait que dit, elle y court.
Au diable soit tout le ménage !
Voilà l'autre qui fait de sa criarde voix
Elle seule plus de tapage
Que tous les marmots à la fois ;
Tape des pieds, des mains ; en culbute un, deux, trois ;
Renverse avec fracas mainte chaise innocente.
On crie, on pleure, on se lamente :
« C'est Nicolas, maman ! non, maman, c'est Joseph !
Non, maman, c'est Martin ! non, c'est Gilles ! » Enfin, bref,
Grâce à ma complaisante dame,
Un jeu d'enfants devient un vacarme infernal ;
Et moi de planter là comptes, enfants et femme.

Trop souvent le remède est pire que le mal.

Livre II, fable 15




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