La Volière de Salomon Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Sur le balcon de son palais
Salomon fit placer une immense volière
Où rossignols, serins, bouvreuils, chardonnerets,
Saluaient chaque jour le dieu de la lumière,
Et consacraient encor leurs voix
A charmer les loisirs du plus sage des rois.
Parmi tous ces oiseaux différents de langage,
Comme d'instinct et de plumage,
On remarquait un vieux moineau
Faisant le rodomont auprès de sa femelle.
Sans cesse il lui cherchait querelle,
Voire la plumait bien et beau.
A cela que répondait-elle ?
La pauvrette, au rebours de ce qu'on voit chez nous,
Ne sonnait mot et filait doux.
Mais, hélas ! sa douceur et son silence même
Irritaient encor plus cet insolent époux ;
Si bien qu'un certain jour il lui dit en courroux :
Sais-tu que ma force est extrême ?
Tremble d'en ressentir les terribles effets ;
Car je puis d'un seul coup renverser ce palais. —
Salomon l'entendit, et, se mettant à rire,
Daigna lui parler en ces mots :
Ô toi, le Samson des oiseaux !
Ce palais est le mien : voudrais-tu le détruire ?
Non ; ce serait commettre un abus de pouvair.
Mais dis-moi, ne puis-je savoir
D'où te vient tant de force ? —Ah ! sire,
Répond l'oiseau tout en émoi,
Je suis faible et petit, j'en conviens ; mais, grand roi,
Ne me contestez pas un droit que je réclame ;
C'est celui des époux : de grâce, laissez-moi
Faire le fort avec ma femme.

Livre III, fable 7




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