Un homme (je crois que son nom
Ne fait rien du tout à l'affaire),
Un homme donc en sa maison
Entretenait une Volière,
Des oiseaux commode prison.
Un Moineau brillant et volage ⠀⠀
Devant l'habitacle susdit
Passa dans le cours d'un voyage.
La curiosité de l'âge
Le fit voler vers le réduit.
Il s'avance au premier étage,
Trouve l'édifice charmant ;
Puis interroge poliment
Les habitants de cette cage :
« Parlez-moi, dit-il, franchement :
Cette retraite est bien jolie ;
Mais dans son sein, je vous supplie,
Est-on heureux ? - Assurément !
Ne doutez pas un seul moment
De la douceur de notre vie ».
Lui répondit un des oiseaux
Les mieux nourris et les plus beaux.
« Vivant à l'abri de l'orage,
Des saisons et de tous les maux
Céans nous sommes en repos ;
L'abondance est notre apanage.
Nous n'avons pas la liberté ;
Mais c'est une calamité spot
Quand on en fait mauvais usage.
Nous chérissons notre esclavage,
Qui de notre félicité
Nous fait mieux, sentir l'avantage.
D'ailleurs, il règne en ce séjour
Une sécurité profonde.
Nous ne craignons ni le vautour,
Ni les autres pièges du monde.
En tout on remplit nos désirs ;
Notre maître, plein de tendresse,
Nous laisse goûter les plaisirs
Qu'enfante une sage paresse. »
Ainsi le mielleux orateur,
En apparence fort sincère,
Des agréments de la Volière
Fit le tableau le plus flatteur.
N'y soupçonnant aucun mystère
(La jeunesse ne prévoit rien),
Le moineau s'écrie : « Ah ! mon père !
Ne puis-je savoir le moyen
De devenir votre confrère ?
Votre demeure a mille appas ;
Je ressens la plus forte envie
D'y passer avec vous ma vie ;
Ne vous Ꭹ refusez donc pas.
L'oiseau se rend à la prière
Que lui fait le jeune indiscret,
Lui montre un fatal trébuchet
Qui n'est pas loin de la Volière ;
Et dans l'instant le téméraire
Y vole, et passe le guichet.
Il jette des cris d'alégresse
Et se croit des plus fortunés :
Enfin ses vœux sont couronnés ;
Le maître arrive, et le caresse.
Dans la cage chacun s'empresse
De fêter le nouveau venu ;
Si bien que son cœur ingénu
Se croit l'objet de leur tendresse.
Dans les festins et la liesse
Coulent de rapides instants :
L'hiver s'est enfui ; l'air s'épure,
Tout rit à l'aspect du printemps,
Tout s'anime dans la nature.
L'instinct, qu'on ne peut démentir,
Parle au Moineau dans la clôture,
Dont il ne saurait plus sortir.
Insensiblement dans la cage
Il n'éprouve que des regrets :
Sa jeunesse perd ses attraits ;
Plus d'appétit, plus de ramage.
Qu'il voudrait, désormais plus sage,
Être libre dans les forêts !
Qu'il déteste son esclavage !
Trop tard il sent tout son malheur
Comme on voit une jeune fleur, blo
Par les vents du midi fanée,
Perdre l'éclat et la couleur
Dont Flore l'avait couronnée ;
Ainsi, déplorant la rigueur
De sa cruelle destinée,
Le Moineau mourut de langueur.
Il alla, dans ces manoirs sombres
D'où l'on ne retourne jamais,
Languir encor sur les cyprès
Du triste royaume des ombres.
Pour surcroît de fatalité,
Les oiseaux, ses tendres confrères,
Si caressants, si débonnaires,
Qui faisaient vou de charité
Et d'une entière pauvreté,
Le voyant, pour le noir rivage,
Bien et dûment empaqueté,
Se partagèrent son plumage,
Sans l'avoir même regretté ;
Car ainsi chez eux est l'usage.