Un moineau souffrait dans sa cage ;
Il semblait malade à mourir.
« Je viens vers toi pour te guérir. »
Lui dit un chat du voisinage.
L'oiseau répond : « Foin du brèvet
Des Esculapes de ta bande !
Te voir venir à mon chevet,
Rusé docteur de contrebande !
Tes soins m'apportent le trépas.
Je suis sauve si tu l'en vas. »
Du danger que courait l'objet de sa tendresse.
Cependant un vieillard que son âge intéresse,
Prévoyant un malheur qu'il avait vu vingt fois,
Lui criait, d'aussi loin que peut porter la voix :
« Insensé, gardez-vous de tenter ce passage ;
Revenez sur la rive et montrez-vous plus sage. "
Mais le plaisir est sourd. Le jeune homme distrait
Poursuit son imprudente course,
Et doublant de vitesse et filant comme un trait,
Il ne voit pas qu'il touche aux abords d'une source.
Un éclair de terreur a passé sur son front.
S'il pouvait s'arrêter par un mouvement prompt,
Ce serait, il le sent, sa suprême ressource ;
A deux pas en arrière encore il le pourrait ;
Il est trop tard : il disparaît.
S'il était emporté par le courant rapide,
Ce serait fait de lui ; mais, gardant sa vigueur,
Comme il fut téméraire, il se montre intrépide.
La mort s'offre à ses yeux dans toute son horreur :
Contre elle il se débat, il lutte ;
Les glaçons brisés par sa chute
Il les soulève avec effort,
Et, quasi vainqueur de la mort,
Il reparaît, en appelant sa mère,
En criant au secours, troublé dans tous ses sens ;
Mais de la grève solitaire
Nul ne répond à ses accents.
Il redouble d'efforts pour gagner le rivage ;
Mais la lutte était longue et ses vœux impuissants.
Bientôt il va sentir s'épuiser son courage.
Un froid mortel déjà le saisissait.
Le péril était grand : peut-être il périssait ;
Quand ce même vieillard, qu'un destin favorable
Semblait avoir conduit vers ce lieu tout exprès,
Différent en cela du pédant de la fable,
Se hâte pour lui tendre une main secourable :
Il le sauve d'abord, et le sermonne après.
« Louange à Dieu, dit-il, que j'étais là si près !
Et si j'ai quelque droit de vous parler en sage,
L'école du malheur est un apprentissage
Dont vous avez failli n'avoir qu'une leçon.
Retenez-en du moins l'utile et vieil adage :
Qu'il faut dans ses plaisirs consulter la raison.
Maintenant votre mère, inquiète, éperdue,
Est là qui vous attend, mourante, en sa maison ;
Courez rendre à son cœur l'espérance perdue ;
Prêtez à ses conseils la foi qui leur est due.
Votre âge à deux pouvairs va bientôt vous livrer
La raison, d'un côté, de l'autre, la folie.
Cet écueil recouvert d'une glace polie
C'est l'image du monde où vous allez entrer. »