Un Chat guettait une Volière,
Et ce n'était pas sans raison :
Il y voyait serin, pierrot, merle, pinson,
Morceaux friands pour le fripon,
Grand connaisseur en bonne chère.
Mais, par malheur, lui-même était guetté :
Plus d'un méfait, à bon droit imputé,
Contre notre matou futé
N'autorisait que trop la surveillance.
Il s'agit donc par quelque tour
D'endormir cette vigilance.
Après avoir longtemps rêvé dans le silence,
Il fait courir le bruit qu'à la pointe du jour,
Il a plané tout à l'entour
Un épervier dont la puissante serre
Menaçait les oiseaux d'une sanglante guerre,
Et mettait la Volière en un pressant danger.
On ne crut pas d'abord ce récit mensonger ;
Mais l'adroit imposteur tant et tant le répète,`
Que, pour le publier, canard, poule, dindon,
Tout dans la basse-cour emboucha la trompette ;
Le chien même, le chien le publia, dit- on.
Le bruit enfin prit tant de consistance,
Qu'en douter eût passé pour une extravagance ;
Si bien que sur le Chat on ferme alors les yeux,
Et que tous les regards se portent vers les cieux.
Profitant aussitôt de cette erreur propice,
Le Chat dans la Volière avec ardeur se glisse,
Et, près des surveillants, qui ne s'en doutaient pas,
Des malheureux oiseaux fait un ample repas.
Ainsi, du bien public convoitant la curée,
Des intrigants la bande conjurée,
Pour mieux cacher à tous les yeux
Ses noirs projets, ses complots odieux,
Invente mille bruits, forge mille chimères,
Mille complots imaginaires,
Et de la Renommée emprunte les cent voix,
Pour les accréditer en cent lieux à la fois.
Or, de ces bruits tandis que l'on s'occupe,
Et qu'on se livre à cent débats,
Le bon public est pris pour dupe :
Les sensés ne le sont pas.