Le Châtelain et les Hirondelles Frédéric Jacquier (1799 - 18?)

Restez, gentes hirondelles,
Restez, restez près de nous ;
Restez, pourquoi voulez-vous
Fuir, abandonner, cruelles,
Les vieux donjons, cette tour
Où vous reçûtes le jour ?
Qu'allez-vous faire, insensées ?
Demeurez au vieux manoir !...
Que de ces hautes croisées
Je puisse encore vous voir
Tantôt compactes, nombreuses,
Bataillons au vol léger,
Venir par bandes joyeuses
Auprès de moi voltiger,
Planer, rester suspendues
Sur ma tête... fendre l'air
Disparaître dans les nues,
Rapides comme l'éclair ;
Tantôt, tristes et plaintives,
Ensemble effleurant le sol,
L'eau qui coule entre deux rives,
Annoncer par votre vol,
Infaillibles prophétesses,
La pluie et le mauvais temps,
La tempête et les autans !
Gentilles devineresses,
Hirondelles, mes amours,
Aux ogives de ma chambre
De grâce, restez toujours !

LES HIRONDELLES.

Octobre chasse septembre,
L'automne vient à grands pas,
Ayant pour affreux cortège
Les autans, les noirs frimas,
Et les blancs flocons de neige !
Jouets des noirs aquilons,
Jaunes, mortes, desséchées,
De la forêt aux vallons
Les feuilles sont dispersées.
Les saules, les peupliers
Qui bordent le cours des ondes,
Vers leurs racines profondes
Inclinent leurs fronts altiers !
L'admirable intelligence
Que nous reçûmes d'en haut.
Vient nous avertir qu'il faut,
Faisant prompte diligence,
Loin du beau pays de France,
Chercher un climat plus chaud !
Déjà, déployant leurs ailes,
Nos messagères fidèles
Ont été dans le lointain,
Dans les vallons, les campagnes,
Pour appeler nos compagnes
Au manoir du châtelain !
Nos compagnes appelées,
Exactes au rendez-vous,
Sont au clocher rassemblées,
Prêtes à fuir avec nous !
Veille pendant notre absence
A nos nids, bon châtelain !
Les dieux prêtent assistance
Au propriétaire humain
Qui protège en ses tourelles
Les petits nids d'hirondelles,
Ainsi qu'aux bons matelots
Qui, pendant les traversées.
Nous reçoivent harassées
Sur les câbles des vaisseaux !
Adieu ! lorsque la nature,
Au doux retour du printemps,
Se couvrira de verdure,
De fraîches fleurs dans les champs
Quand, cessant d'être muette,
On entendra l'alouette,
En remontant vers les deux,
Reprendre ses chants joyeux,
Nous te reviendrons fidèles
Dans ces nids, dans cette tour
Où nous reçûmes le jour,
Pour couver à notre tour
Sous nos ailes maternelles
Nos petites hirondelles !
Elles ne revinrent pas !
La cruelle mort, hélas !
Aux bords d'un lointain rivage,
Un soir vint les emporter !
Jamais le voyageur sage
En partant ne doit compter
Revenir de son voyage !





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