Le nid d'Hirondelles Laurent-Pierre de Jussieu (1792 - 1866)

Un vieux château, de créneaux couronné,
Depuis longtemps, à la saison nouvelle,
Sous son portique abandonné,
Donnait asile à l'hirondelle.
Revenant des lointains pays,
Les oiseaux voyageurs retrouvaient, chaque année,
Dans la corniche surannée,
Les débris toujours chers de leurs paisibles nids.
Une jeune hirondelle en ces lieux était née ;
Pour elle ils n'avaient pas d'égal ;
Et, lorsqu'après l'hiver elle eut fait sa tournée,
Elle y revint comme au pays natal.
À son tour elle devint mère ;
Alors l'hospitalier lambris,
Dans le nid maternel, qu'elle apprit à refaire,
Vit éclore ses chers petits.
Oh ! combien elle était heureuse !
Oh, qu'une mère est tendre, et son amour touchant !
Pauvre hirondelle, hélas ! pour son enfant,
Toute faible qu'elle est, n'est pas moins précieuse.
Un jour, voltigeant sur les eaux,
Notre hirondelle, à l'aventure,
Allait cherchant la nourriture
Qu'attendaient les petits oiseaux.
Soudain, au bord de la rivière,
Elle aperçoit trop tard l'œil cruel d'un chasseur.
Elle a beau crier : « Je suis mère ! »
Le coup part et la frappe au cœur.
Cependant, la troupe affamée
Tendait cinq petits becs qui, d'un ton suppliant,
Réclamaient, hélas ! vainement,
La nourriture accoutumée.
L'un des frères, enfin, plus courageux, plus fort,
Celui qui, le premier sorti de sa coquille,
Était l'aîné de la famille,
Voit le danger, tente un effort,
S'élance hors du nid, et d'une aile incertaine,
Se soutient un moment, puis va rasant la plaine.
Il y rencontre un vermisseau ;
Quel bonheur ! Il l'emporte à son plus jeune frère ;
Il revient plus hardi, se risque au bord de l'eau,
Aux insectes livre la guerre,
Et retourne, chargé d'un précieux butin
Qu'il distribue à ceux qu'il aime,
Avant de songer que lui-même
Était presque mourant de fatigue et de faim.
Le lendemain il recommence,
Et de même les jours suivans.
Petits oiseaux devinrent grands ;
Heureux d'avoir reçu, pour soigner leur enfance,
Ce second protecteur que, dans un frère aîné,
Aux enfants orphelins la nature a donné.