Dans un massif où l'églantier
Unissait sa fleur printanière
À la grappe souple et légère
Qui pend du front de l'ébénier,
De jolis papillons agiles
Étalaient leurs riches couleurs,
Comme un essaim de fleurs mobiles
Voltigeant sur les autres fleurs.
Deux jeunes enfants, dont la mine
Joyeuse, vive et purpurine,
Par son éclat, par sa fraîcheur,
Le disputait à l'églantine,
Deux jeunes enfants, frère et sœur,
Poursuivaient la troupe lutine.
L'un, plus étourdi, moins constant
Que ne l'est l'insecte volage,
Voyait un papillon, le suivait un instant,
Puis un autre bientôt lui plaisait davantage.
Alors, abandonnant l'objet d'un premier choix,
Il volait sur une autre trace ;
Aurouge, aujaune, au vert, au bleu donnant la chasse,
On eût dit qu'il courait après tous à la fois.
Mais dans cette folle espérance,
Le pauvre enfant en vain s'agitait, s'essoufflait ;
Et tous, grâce à son inconstance,
Échappaient tour à tour au perfide filet.
Sa sœur, plus calme et plus habile,
S'y prenait bien différemment :
Sans épuiser sa force en fatigue inutile,
Sans faire tant de bruit et tant de mouvement,
Quand elle avait choisi l'objet de sa poursuite,
Ses yeux, de fleur en fleur, le suivaient constamment ;
Par l'éclat d'aucun autre elle n'était séduite ;
Elle attendait patiemment,
Elle avançait tout doucement,
Elle saisissait le moment,
Et l'insecte ne manquait guères
De venir retrouver ses frères,
Prisonniers de l'adroite enfant.
Las, haletant et tout en nage,
Notre étourdi petit chasseur,
Ayant perdu son temps, perdit enfin courage,
Et revint auprès de sa sœur.
« Comment donc fais-tu pour les prendre ?
Lui dit-il ; je n'ai pas tant de bonheur que toi ;
J'ai beau guetter, poursuivre, attendre,
Ils ont vraiment l'air de s'entendre
>Pour me faire courir et se moquer de moi. »
Elle, avec un malin sourire,
Lui répondit : «Pauvre garçon !
C'est apparemment ton guignon ;
Je ne sais, hélas ! que te dire... »
Alors, du fond de la prison,
On entendit sortir le son
D'une petite voix, douce, fraîche, argentine ;
C'était celle d'un papillon.
« Laissez-moi m'envoler là- haut sur l'églantine,
Dit-il, et je promets, mes beaux jeunes amis,
>> De vous donner un bon avis. »
Papillon qui prend la parole
Pour demander la liberté,
Peut bien être un sujet de curiosité.
On entr'ouvre la boîte, il s'élance, il s'envole,
Et le voilà sur les rameaux,
Caressant quelques fleurs nouvelles,
Secouant un moment ses ailes,
Et puis s'exprimant en ces mots :
« Enfants légers, follette engeance,
Retenez bien cette leçon :
Force ne peut tant que constance,
Ni ruse tant que patience ;
On ne parvient à rien de bon,
Pas même à prendre un papillon,
Sans un peu de persévérance. »