Les nids d'Hirondelle Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

« Quoi, mon fils, c'est ta main cruelle
Qui, par pure méchanceté,
Sans besoin, sans nécessité,
A détruit ces nids d'hirondelle !
De ces pauvres oiseaux n'entends-tu pas les cris ?
Que vont-ils devenir, privés de leurs abris ?
Vois, d'une aile inquiète ils volent et revolent
Autour du sol jonché de ces tristes débris,
Et toi, méchant, tu ris, tandis qu'ils se désolent.
Mais tu ne sais donc pas, enfant, que ces oiseaux
Portent bonheur à la fenêtre
Dont l'angle hospitalier protège leurs berceaux?
Que j'aimais chaque année à les voir reparaître,
Dès les premiers beaux jours de la douce saison !
Mais hélas ! ils vont fuir loin du séjour d'un traître,
Emportant avec eux la paix de ma maison.
—- C'est une erreur, mon père, un préjugé gothique,
Qui ne peut soutenir le jour de là raison,
Comme dit mon cousin, qui sort de rhétorique :
Ces oiseaux, en dépit d'un proverbe menteur,
Au toit qu'ils ont choisi ne portent pas bonheur ;
Et, comme leur présence est assez incommode,
Je suis de mon cousin l'exemple et la mélode ;
En détruisant ces nids par l'erreur protégés,
Je fais la guerre aux préjugés.
— De tels réformateurs que le ciel nous préserve !
Par leurs discours, mon fils, je ne suis pas séduit :
Mieux vaut la douce erreur qui fonde et qui conserve,
Que la froide raison qui sape et qui détruit. »

Livre IV, Fable 20, 1856




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