Les Hirondelles et les Souris Marc-Louis de Tardy (1769 - 1857)

A leur instinct fidèles,
Sous un vieux toit, deux jeunes hirondelles
Bâtissaient entre deux chevrons,
Qui protégeant leur nid lui servaient d’éperons.
Des souris les voyaient faire ;
Elles étaient dans un coin du grenier,
Et ne se gênaient pas, comme on fait d’ordinaire.
Lorsque l’on est sur son palier.
« L’ouvrage est bien, se disaient-elles ;
Mais nous, si nous avions des ailes,
Nous ferions mieux encor.
Quand Jupin de ses dons départit le trésor,
Il avait bu sans doute outre mesure ;
Mieux valait le hasard, mieux eût fait la nature. »
De son trône au haut des cieux,
Jupiter entendit ces mots séditieux ;
A nos souris il fit pousser des ailes.
Les voilà donc, volatiles nouvelles,
Qui vont chercher du limon et de l’eau,
Et commencent un nid sur un mode nouveau.
Elles ne firent rien qui vaille,
Comme il arrive à ces gens que travaille
Un sentiment jaloux, et qui sont sans talent.
Elles s’applaudissaient entre elles, cependant.
Les passants les laissaient dire.
Et s’en allaient pouffant de rire.
Jupiter ne rit pas ; tant de présomption
Méritait trop une punition.
Pour les faire servir d’exemple à leurs pareilles.
Il les priva de queue, allongea leurs oreilles.
Et le mot chauve, à leur nom ajouté,
Désigna leur postérité,
Race hideuse,
Maligne et venimeuse,
Dont les individus, en des lieux noirs cachés,
Font pénitence encor l’un à l’autre accrochés.

Fables, 1847, Fable 21




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