L'Enfant et le Papillon Marc-Louis de Tardy (1769 - 1857)

Dans un jardin, sur une rose
Fraîche, vermeille et du matin éclose,
Un papillon s’était posé.
Un enfant l’aperçut, et le petit rusé
Pour un exploit maudit en vrai lutin s’apprête.
La main levée, il marche, il marche à pas de loup.
Fait un pas, et puis deux, puis s’élance et d’un coup
Il frappe, il jette à terre

Et la rose et le papillon.
Des feuilles de la fleur ce fut une jonchée ;
Une abeille en sortit, frémissante et fâchée,
Et qui, dardant son piquant aiguillon,
Fit à l’enfant une vive blessure.
Adieu la joie ; il crie, il pleure de douleur ;
Tandis que, profitant de sa mésaventure,
Le papillon, qui fuit, bénit le dard vengeur.
De la peine au plaisir, du plaisir à la peine,
Le passage est soudain.
Le bonheur nous échappe, et cependant à peine
Nous le tenions à la main.

En t’adressant cette petite fable,
Pour toi, petit Joseph, je sens battre mon cœur ;
Gentil, naïf et d’une humeur aimable,
Sois heureux en faisant des autres le bonheur !
Mais, penseur sérieux avec un air folâtre,
Joue avec les plaisirs sans en être idolâtre ;
Epris des papillons, prends-les sans les froisser ;
Et si pour ta maman, que tu cours embrasser,
Tu cueilles en passant une rose vermeille,
Oh ! que jamais une fâcheuse abeille
N’en sorte pour te blesser !

Fables, 1847, Fable 20




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