Un jeune Espiègle
A mine hardie, a l'œil noir,
Pour toute règle
Ne connaissant que son vouloir
De tige en tige
Va poursuivant avec ardeur
Brillant Papillon qui voltige
De fleur en fleur,
Sur le point de le faire esclave
Vingt fois notre Espiègle se croit;
Mais vingt fois l'insecte le brave
Et d'un coup d'aile le déçoit.
Plus vive en devient la poursuite ;
L'il au guet, le corps en avant,
Sur la pointe du pied marchant,
De gite en gite
Après lui s’acharne l’Enfant.
Sur lys, sur fuchsia, sur rose
En son mobile essor
Tour à tour l'insecte se pose
Et, toujours plus rapide encor,
S'envole , prompt a se défendre
Des doigts entr’ouverts pour le prendre.
Courant toujours
D’amours en nouvelles amours,
A large et blanche hémérocalle,
Dont le beau calice s’étale
Par de 1a les bords d’un ruisseau,
Il va porter baiser nouveau
Et met pour barrière eau profonde
Entre Je jeune Espiègle et lui.
Mais le Paon vainement a fui ;
L’Espiègle s'obstine et dans l’onde
Vers la fleur se fraye un chemin ;
Il approche; il étend la main
Et, grâce à sa constance ,
Le bel insecte est enfin pris.
Le père observait a distance;
Bien, » dit-il, » ta persévérance
Vient d’obtenir son juste prix.

Pour qu'un projet arrive a terme
Mon fils, rappelle-toi, plus grand,
Qu’en toute chose un vouloir ferme
Est du succès le plus sûr élément.

Livre IV, fable 8


Alger, 21 Décembre 1853.

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