Le Chien et les deux Chats Pierre Chevallier (1794 - 1892)

Couché nonchalamment en travers d'un foyer
Dont il rendait aux chats l'accès inabordable,
Harpalos, chien de chasse, à l'humeur peu traitable,
Ronflait tout à son aise. Arrive du grenier
Maître Griffardineau, chat non moins irritable.
— Eh ! quoi, dit le matou, quoi, ce gros fainéant,
Ce parasite, ce gourmand
Mangera, dormira, ne fera rien qui vaille,
Quand à chasser les rats sans cesse je travaille ;
Monsieur aura pour lui les meilleurs rogatons,
Ne me laissera voir que de loin les tisons.
Sur ce, sans autre préambule,
Il vous lui pose entre les yeux
D'un coup de grifse une virgule.
En sursaut s'éveillant, Harpalos, furieux,
Fond sur lui, le poursuit, l'atteint et le terrasse,
Presque éreinté l'étend sur place,
Et revient près du feu, sans plus ample discours,
De son somme achever le cours.
Quelques instants après, se présente Minette,
Dont l'humble contenance et la taille fluette,
La robe bigarrée et l'air doux et poli
En font des angoras un modèle accompli.
Près du chien qui, les yeux demi fermés, sommeille,
Elle s'approche doucement,
Fait la mignarde à son oreille,
Tourne à l'entour légèrement
Et d'une façon délicate
Le caresse d'abord du nez et de la patte,
Se place enfin et se chaufse aisément.
Par cette Fable apprends, 6 ma gentille Hortense,
Qu'on obtient tout par la douceur,
Et qu'on ne doit jamais braver là violence
Des gens d'une irascible humeur.