Le Cerf-volant et la Ficelle Remacle Maréchal (1796 - 1871)

Par un bon vent d'automne enlevé dans les airs,
Le cerf-volant criait, se donnant de grands airs,
Et faisant ondoyer sa grêle et longue queue :
<< Mon Dieu ! que tout là-bas est petit ! Par ma foi,
Je voudrais parier que, de la terre à moi,
Pour le moins la distance est de trois quarts de lieue. >>
La ficelle s'étant permis
De ne pas partager tout-à-fait son avis :
« Hein ! qui parle à mademoiselle ?
Reprend, choqué de tant de liberté,
Notre arrogant. Ce ton va bien à celle
Qui près du ciel d'azur se voit sous ma tutelle !
La chétive ! sans ma bonté
Pour le quart d'heure où serait-elle ?
Dans ce petit moulin à vent,
J'imagine, cachée au fond d'une crevasse,
Blanche de poudre, et là, pour tout emploi, servant
A quelques vieux sacs de liasse !
« Que dis-je ! Je lui fais trop d'honneur... » A ces mots
La ficelle, en rompant, lui coupe la parole.
Aux cris joyeux de vingt marmots,
Du haut des airs il dégringole.
Et, pour aller sur un humble bouleau
Faire de sa peau maint lambeau,
Ne met pas un quart de minute.

Vous que de ses faveurs la fortune a dotés,
Craignez du cerf-volant la honteuse culbute,
Et n'abaissez pas trop ceux par qui vous montez.

Livre III, fable 4




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