Dans un grand pré, sous un ciel sans nuage,
Un jour d'été, quelques enfants
Tous plus espiègles que méchants,
Comme nous étions à leur âge,
D'un fort beau cerf-volant s'amusaient à qui mieux.
Le vent servait ; bientôt la machine avec grâce
Plane, s'élève, et montant vers les cieux
Paraît à l'œil comme un point dans l'espace.
Là notre cerf-volant se crut du sang des Dieux !
On retire le fil ; malgré sa résistance
Il descendait fort gravement ;
Mais ce voyage avait apparemment
Développé son insolence.
Rampez, dit-il, faibles enfants,
» Rampez, tandis que rival du tonnerre
Je plane au haut de l'atmosphère
Et m'assieds sur l'aile des vents !.. »
Que viens-tu nous rompre la tête
De vents, d'ailes et de tempête,
Dit l'aîné des marmots, as-tu perdu le sens ?
C'est à ce cordon qui t'arrête
Que tu dois ton ascension.
Ne te fais plus illusion
Et tais-toi, vain cerceau ! »> (51) Pour l'élever encore
Notre espiègle lâchait le fil.
» Oh ! que je te plains, lui dit- il,
Jeune insensé ! Sache, toi qui l'ignore,
Que je puis sans tes soins demeurer dans les airs »
» -Tu paieras cher ta demande étourdie ;
Mais tu veux tomber à l'envers
Et nous donner la comédie ;
Nous allons t'y voir... » A ce mot
La corde est lâchée... et bientôt,
Malgré tous ses efforts, le cerf-volant chancelle,
Perd l'équilibre et tombe enfin.
Les ensans de courir, de sauter de plus belle !
>> Il a mérité son destin,
Qu'il le souffre avec patience ;
Leur dit à tous un bon vieillard
Qui, près du cerf-volant se trouvait par hasard :
Mais n'imitez jamais sa stupide arrogance,
Vous qui murmurez chaque jour
Contre la main qui guide et soutient votre enfance.
Tremblez plutôt, tremblez qu'à votre tour
Délaissés comme lui dans un péril extrême
Vous ne puissiez vous soutenir.
Bientôt hélas ! On vous verrait périr
Et de vous on rirait de même. »