La Salamandre et les Enfants Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Venez voir ! je la tiens ! c'est une Salamandre !
S'écriait un jeune garçon.
Les Enfants d'accourir. - Oh, oh ! sans plus attendre
Il faut la tuer, se dit-on ;
Car tous, de père en fils, nous avons pu l'apprendre,
Cet animal impur distille le poison. -
·Arrêtez, dit l'un d'eux : j'ai lu dans certain livre
Qu'au milieu d'un brasier ce reptile peut vivre ;
Il faut en juger par nos yeux.
—Oui, oui. —Chacun alors d'agir à qui mieux mieux.
On élève un bûcher. Déjà le feu pétille.
La Salamandre est là sur des tisons ardents,
Qui s'agite, qui se tortille.
- Cessez, cessez, dit-elle, ô barbares Enfants !
Eh ! ne voyez-vous pas que le feu me dévore ?
Je l'ai juré d'ailleurs, et je le jure encore,
Oui, je suis sans poison ; croyez-en mes serments,
Et sauvez-moi. -Non, non : vous êtes venimeuse,
Répond le groupe actif, nos pères nous l'ont dit ;
Ainsi point de pardon. -La pauvre malheureuse
Souffrit encor longtemps, puis dans le feu périt.

Combien d'erreurs aussi grossières
On commet tous les jours sur la foi de ses pères !

Livre VII, fable 4




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