Des enfants dont la barbe ombrageait le menton,
Dirent un jour à leur vieux père
Que, s'il voulait, devant notaire,
Du bien qu'il possédait leur faire l'abandon,
Ils lui serviraient une rente
Qu'ils paieraient très exactement.
Le vieillard répondit : — Votre offre assurément,
Mes chers enfants, est loin de m'être indifférente,
Mais, comme agir trop promptement
Est souvent chose regrettable,
Afin de m'assurer si la chose est faisable,
Je vous demande un mois pour réfléchir.
Au jour fixé les fils de revenir.
De leur père voici quelle fut la réponse :
— Au fond de mon jardin, dans un épais quinconce,
Le mois dernier je travaillais.
J'y découvris un nid de cinq chardonnerets
Déjà presque couverts d'un assez long plumage.
Je les mis tous dans une cage
Qu'au même endroit je suspendis.
Quelques instants après je vis
Des petits prisonniers les pauvres père et mère,
A l'aspect de la cage, accourir à grands cris,
S'armer d'un zèle téméraire.
S'approcher de plus près, puis, bravant tout danger,
A travers les barreaux leur donner à manger.
Pour apprendre aux petits à chercher leur pâture,
Je mis dans leur prison diverse nourriture :
Millet, navette et chènevis.
Quand je fus bien certain qu'ils mangeaient seuls, je pris
Facilement les père et mère :
Un trébuchet en fit l'affaire,
Je mis ensuite eu liberté
Mes cinq petits oiseaux qui, de chaque côté.
A l'instant même disparaissent.
En les voyant quitter les auteurs de leurs jours,
Voltiger dans les alentours,
Je m'imagine qu'ils s'empressent
D'aller pour les captifs butiner, fourrager,
Et qu'ils vont revenir leur donner à manger.
Caché derrière une aubépine
J'attendis très longtemps. Hélas ! il n'en fut rien.
Cet exemple me détermine
A vous dire tout net que je garde mon bien.