Le bon Père et ses deux Enfants Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Un mortel qui croyait que l'on n'est vraiment père
Qu'autant qu'on en remplit les devoirs rigoureux,
De ses enfants voulut former le caractère,
L'esprit, le cœur surtout, pour qu'ils fussent heureux.
Il leur fait trouver à l'étude
Un plaisir dont bientôt ils recueillent le fruit ;
D'agréables talents naissent de l'habitude :
Leur jugement formé fait briller leur esprit ;
Enfin lancés dans la carrière,
C'est-à-dire, le monde et la société,
On voit que la vertu leur sera toujours chère,
Sans nuire à leur urbanité.
Le père un jour leur dit : « Pour vous prêcher d'exemple,
J'ai dû m'observer constamment,
Et je l'ai fait ; vos cœurs des vertus sont le temple,
Votre conduite en est un sûr garant ;
J'aurais voulu, plus maître de moi-même,
Vous cacher un défaut dont je suis attristé :
C'est cet emportement extrême
Que l'on nomme vivacité.
Il faut se surveiller quand on veut s'en défaire ;
Il s'oppose à notre bonheur,
Nous compromet souvent, par lui la paix s'altère;
Voyez ce défaut là dans toute sa laideur,
Et, pour en triompher, songez à votre père. »

Livre I, fable 19




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