Un Lion roi, grand voyageur,
Célèbre par l'esprit, la force et la valeur,
Visitait un monarque en tous points fait pour l'être.
(Un monarque Lion s'entend.)
Ils discouraient ensemble librement,
Et ce que leurs sujets leur cachaient finement,
Tous les deux par hasard se le firent connaître.
« Vous m'étonnez, disaient-ils, tour-à-tour :
Quoi ! tels abus se passent dans ma cour,
Et réciproquement nous venons de nous dire
Ce que nous ignorions tous deux ?
Aveugles l'un et l'autre au sein de notre empire,
Nous pouvons seuls nous dessiller les yeux.
Qu'une exacte correspondance
Soit établie entre nous désormais ;
Elle nous donnera vingt ans d'expérience ;
Mais il faudra surtout bien garder nos secrets . »
Tous les deux séparés en effet s'instruisirent :
Loin de tolérer les abus,
Dans leurs Etats, ces rois les proscrivirent
Sitôt qu'ils leur furent connus.

Pour vous tromper on voit tous les mortels s'entendre :
Ce qui fut toujours blanc on vous le montre noir ;
Rois ! ce que vous avez intérêt de savoir,
Un autre roi peut vous l'apprendre.

Livre I, fable 18




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