La succession du Lion Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Sultan Lion mourut sans laisser d'héritiers.
La nouvelle étant répandue,
On députe, on accourt, et la diète est tenue ;
Les prétendants au trône arrivent par milliers.
Certain loup sur les rangs figure des premiers.
Quoi ! cette bête déloyale
Ose aspirer au nom de majesté royale ?
Sans doute ; et pourquoi donc s'étonner de cela,
Quand nous avons tant vu de ces majestés-là?
Sur une secrète cabale
Messer loup fondait son espoir ;
C'est le ressort qu'il fait mouvoir.
Un renard, le fléau des campagnes voisines,
Grand partisan du loup, son confrère en rapines,
S'en déclare le digne appui.
Sycophante adroit, il le prône,
Lui forge des titres au trône ;
Dit qu'il est un phénix, qu'il réunit en lui
Courage, esprit, bonté, clémence,
Justice enfin. Louer ces vertus dans un loup,
C'était exagérer beaucoup.
Aussi, qu'en pensa l'assistance ?
Qu'un scélérat vantait un autre scélérat.
Le loup fut rayé de la liste :
On se rit du héros et du panégyriste.

Avis à tout homme d'état !
En certaine occurrence, au renard de la fable
Il est plus d'un renard semblable,
Il est plus d'un loup candidat.

Livre VII, fable 5




Commentaires