Dans les sombres horreurs d'une forêt profonde,
L'âne, avec le renard, certain soir, s'enfonça ;
Ils espéraient, tous deux, attraper à la ronde,
Au moins tout le gibier que le sort y plaça.
En courant, tout-à-coup, le renard, sur sa route,
Rencontre un fier lion, agité, rugissant ;
Et croyant se tirer du malheur qu'il redoute,
Il s'engage à livrer l'âne au même moment.
Demandant pour tout privilège,
De sauver ses jours seulement.
Le lion, sans peine, y consent,
Et le renard conduit son ami dans le piège.
Mais le lion, voyant que maître Aliboron,
Ne peut, pour s'échapper, user d'aucune adresse,
Tombe sur le renard, le mord, le met en pièce,
Puis après, pour dessert, mange son compagnon.
Tel est le sort inévitable
Qui menace tout délateur ;
Tôt ou tard il devient victime misérable,
Du mal dont il fut l'inventeur.