Pour se venger d'une pauvre corneille,
Margot la pie, un certain jour,
Voyant que messire vautour,
D'une santé brillante, à nulle autre pareille,
Eprouvait de la faim le rapide retour,
Lui dit connaissez-vous cette beauté divine,
Dont le nid est placé non loin de ces ormeaux
Ma très-appétissante et très tendre voisine,
Cette corneille enfin, dont l'attrayante mine,
Fait soupirer d'amour tous nos jeunes oiseaux ?
Ses petits sont aussi délicats, admirables ;
De leur mère ce sont les portraits véritables.
Mais ce qui, franchement, pourra vous étonner,
C'est que la ponte et la couvée,
Bien loin de la maigrir, bien loin de la faner,
Semblent l'avoir rendue encor plus potelée.
Je la hais, j'en conviens, le fait est constaté,
Mais, à mes ennemis, je sais rendre justice ;
Et jamais, non jamais, par haine, ou par malice,
Margot ne trahira la pure vérité.
Cet éloge, au vautour, paraissant très-sincère,
Augmenta de beaucoup ses désirs et sa faim ;
Si bien que, vers le nid, se dirigeant soudain,
Il dévora les fils, et puis encor, la mère.
Craignez l'éloge du méchant,
Sa langue à vous louer serait moins attentive ;
Si sa haine, jamais captive,
Pouvait vous nuire en vous calomniant.