Le Merle, un jour dit au Pinson :
Sur ces hauts peupliers qui bordent la prairie,
Ne vois-tu pas le Geai, causant avec la Pie ?
Volons, tout doucement, de buisson en buisson.
Allons sans être vus, ouïr leur caquetage ;
Il nous réjouira. Nous aurons l'avantage
D'entendre des propos piquants,
Et nous pourrons rire aux dépens
De quelques oiseaux du bocage.
Volontiers, répondit le Pinson. A l'instant
Voilà nos deux oiseaux sautillant, voletant,
A petit bruit, avec mystère,
S'approchant par degrés, et bientôt se postant
Tout près du couple caquetant.
Le Geai malin disait à Margot : ma commère,
Que vous semble-t-il du corbeau ?
— Fi donc ! il a le cœur noir comme son manteau.
C'est l'oiseau de mauvais augure.
Disgracié de la nature,
Il fait peur, et croit être beau.
Sur la douceur de son ramage
Vient-on, par ruse, le flatter ?
Il ouvre le bec pour chanter,
Et laisse tomber son fromage.
— Que dites-vous du Merle ? Il a même plumage.
(Ici le Merle et le Pinson
Redoublèrent d'attention).
— Le Merle ! eh ! mais vraiment, du corbeau c'est l'image ;
Même sottise, même orgueil,
Et toujours l'habit de grand deuil.
Si son bec est citron, c'est l'effet de l'envie :
Il enrage de chanter faux ;
Et ce n'est que la jalousie
Qui lui fait siffler ses rivaux.
— Mais le Pinson le loue. — Oh ! la rare merveille !
Le Merle lui rend la pareille.
Pour se louer entre eux les sots ont leurs raisons.
Celui-ci ne produit que d'insipides sons ;
Tout son savoir se borne à deux courtes chansons,
Dont il importune l'oreille.
À ces propos injurieux,
Nos écouteurs confus et suffoquant de rage,
Auraient voulu que le feuillage
Déjà fort épais autour d'eux,
S'épaissît encor davantage.
De peur d'être aperçus, ils n'osaient s'envoler ;
De peur de se trahir, ils n'osaient se parler.
Leur plainte n'eût point eu de motif légitime ;
Car enfin cet affront, ils l'avaient mérité.
Qui se complaît aux traits de la malignité
A-t-il à murmurer s'il en est la victime ?