Un Poisson, ennuyé de son destin obscur,
Un jour quitta le fond des demeures humides.
Il vint respirer l'air, et vit sous un ciel pur,
Neptune sur son char, suivi des Néréides,
Qui des mers effleurait l'azur.
Neptune, lui dit-il, signale ta puissance ;
Permets qu'un habitant des eaux
Pour la première fois s'élance
Dans la région des oiseaux.
Neptune y consentit, et lui donna des ailes.
Soudain, quittant le sein des mers,
L'ambitieux Poisson, par des routes nouvelles,
D'un ridicule vol s'éleva dans les airs.
Oh ! comme il fut puni de cette sotte audace !
E t qu'il se reprocha son souhait imprudent !
Les phaétons donnent la chasse
Au malheureux Poisson-volant ;
Et, s'il rentre en son élément,
Fatigué de son vol, il fuit moins lestement
Les avides requins, dont la dent le menace.
Il a, pour troubler son repos,
Par des alarmes continues,
Et des ennemis d'ans les flots,
Et des ennemis dans les nues.
Un jour il aperçoit encor
Neptune et son brillant cortège :
Ôte-moi, lui-dit-il, mon fatal privilège !
Depuis que j'ai pris cet essor,
Dont mon aveugle orgueil s'était laissé séduire,
Des milliers d'ennemis se liguent pour me nuire.
Les oiseaux, dans les airs ; dans les flots le requin...
Je sais, répond Neptune en s'éloignant soudain
Avec son trident à la main,
Qu'à ta perte, aujourd'hui, chaque élément conspire ;
Mais te voilà puni d'avoir été trop vain.
L'imprudent qui demande à changer de destin,
Mérite d'en trouver un pire.