Éole et Neptune Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Dans son implacable rancune
Contre les malheureux troyens,
Junon prenait tous les moyens
De contrarier leur fortune.
Cédant à de cruels revers,
Les fils de Dardanus, dans l'heureuse Hespérie,
S'en allaient, à travers les mers,
A leurs dieux exilés chercher une patrie ;
Quand, par ses propos décevants,
Ses offres , sa douce parole,
Junon séduit le vieux Éole,
En ce temps là le dieu des vents.
Alors de son bâton, signe de sa puissance,
Le pauvre fou frappe le mont...
Des autans déchaînés l'essaim bruyant s'élance,
Et, tournoyant dans l'air , souffle avec violence ;
La mer s'entr'ouvre jusqu'au fond ;
Sur les flots en courroux règne une nuit profonde ;
L'éclair brille, la foudre gronde ;
Tout se trouble, tout se confond,
Et l'on dirait la fin du monde.
La tempête redouble, et la rage des eaux
Frappe, tourmente, brise, engloutit les vaisseaux ;
Le malheureux troyen lutte en vain contre l'onde...
Qui donc arrêtera ce désordre fatal,
Effet d'une aveugle démence ?
Neptune, de l'orage entend le bruit immense,
Et, quittant aussitôt son palais de cristal,
Lève au-dessus des mers son front tranquille et grave,
Il reconnaît le pouvoir qui le brave,
Et d'un mot répare le mal.
Il appelle les vents et leur tient ce langage :
« Vous, votre maître, êtes-vous fous
D'oser faire un pareil tapage ?
Allez, rentrez chacun chez vous,
Ou bien... » Si j'en crois la chronique,
Les vents, à ce commandement,
Obéirent tous sans réplique.
Je leur en fais mon compliment.

Je féliciterais de même
Tous ces gens égarés par des agitateurs,
S'ils écoutaient des lois la parole suprême,
Au lieu de provoquer une mesure extrême,
Et de leurs propres maux se faire les auteurs.

Fable 32




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