Le Phare et le Serpent Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Près de la mer, sur le rivage,
Une colonne s'élevait,
Qui, depuis des siècles, bravait
Les vents, et la foudre, et l'orage.
Elle servait de phare, et d'un brillant fanal,
La nuit, elle était surmontée,
Pour garder d'un écueil fatal
Les nautonniers voguant sur la mer agitée.
Sorti du noir abyme, un horrible serpent,
Aux yeux rouges de flamme, à la crête sanglante,
À la langue aiguë et sifflante,
Se glisse dans l'ombre en rampant.
Il redresse la tête, il regarde le phare ;
Son éclat lui blesse les yeux.
Alors un transport furieux
De son cœur envieux s'empare.
La colonne l'offusque, il veut la renverser.
Gonflé de venin et de haine,
Jusqu'au pied l'animal se traîne ;
Et puis on le voit s'élancer,
De ses mille anneaux l'embrasser ;
Mais contre elle sa force est vaine.
Sous ses robustes plis il pense la broyer ;
Sans relâche il l'étreint, il la presse, il la serre ;
Mais, au dernier effort qu'il vient de déployer,
Lui-même il crève et tombe expirant sur la terre .
Le phare cependant, calme et victorieux,
Éclaire au loin les eaux de ses jets radieux.

Tel souvent l'envieux succombe
Au poison qu'il a répandu,
Et lui-même à son tour il tombe
Dans le piège qu'il a tendu.

Fable 35




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