La Chèvre et le Gâteau Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Les chèvres ont un caractère
Indépendant, capricieux,
Et leur nature volontaire
Se trahit même dans leurs jeux.
Voyez-les , vives et légères,
Pendre à la pointe d'un rocher,
Telles que les plantes amères
Que leur instinct y va chercher ;
Ou, bondissant dans la prairie,
A votre voix se rapprocher,
Puis, dans leur brusque étourderie,
S'enfuir quand de la main vous croyez les toucher.

Or j'en vis une, un jour, qui s'était d'aventure
Soustraite au joug d'une voiture,
Je veux dire de l'un de ces petits chariots
Où l'on promène des marmots.
Libre de ses liens , ma folle
Saisit l'instant, prend son essor,
S'élance, bondit, caracolle,
Se rapproche, s'enfuit, revient et fuit encor.
C'est vainement qu'on la rappelle,
Elle n'écoute pas la voix ;
C'est vainement aussi que l'on court après elle,
Elle réduit bientôt les coureurs aux abois.
Quelqu'un enfin , pour tenter la donzelle,
De loin lui présente un gâteau ;
Affriandé par le morceau,
Tout doucement revient notre animal rebelle.
On vous l'attrape, et de nouveau
Au petit chariot on l'attèle.

En politique, on trouve quelquefois
Des gens à mener difficiles,
Et qui se montrent indociles
Aux raisonnements les plus droits.
À les convaincre l'on se lasse,
Ce sont de rudes opposants ;
Mais offrez-leur un ruban, une place,
Vous en ferez vos partisans.

Fable 34




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