La Chèvre et l'Aigle Emile Erckmann (1822 - 1899)

Tous les sommets sont dangereux ;
Où règnent l'aigle et la tempête
On risque de perdre la tête,
Le moindre faux pas est scabreux.
Une chèvre broutait le cytise et le lierre
À la cime d'un haut rocher.
Elle allait, en pleine lumière,
Sur la corniche, sans broncher.
Et, contemplant l'immense plaine,
Elle se disait fièrement :
« De l'univers je suis la reine,
Assurément. »
Quand un aigle parut, planant au-dessus d'elle,
Et, rien qu'à l'ombre de son aile,
Elle frémit, manque le pas.
De sa propre terreur victime,
Elle disparait dans l'abîme
D'où l'on ne revient pas.
C'est à vous tous, ambitieux,
Que s'adresse ma fable.
Plus on se rapproche des cieux,
Plus la chute est épouvantable.

Livre III, fable 8




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