Certain renard revenait de la chasse,
Bredouille et fort piteux, n'ayant dans sa besace
Que des mulots, quand, derrière un buisson,
il aperçoit un hérisson.
D'aussi loin qu'il le voit son regard s'illumine.
« Le gaillard, se dit-il, a, ma foi, bonne mine,
il est gras comme un loir, et répand un parfum
De ciboulette et de genièvre
Qui le fera passer cette fois pour du lièvre.
Je ne rentrerai pas à jeun. »
Sur ce, maître renard en tapinois s'avance.
C'était un vieux routier de grande expérience
Ayant livré bien des combats V
Contre les hérissons, il ne se presse pas
De se jeter sur ce fagot d'épines ;
Il le flaire de loin, dilatant ses narines,
Mais en se gardant bien d'y toucher du museau.
Près de là coulait un ruisseau.
Après réflexion il le roule dans l'eau ;
Le pauvre hérisson s'étant mis à la nage,
Le gueux vous le cueille au rivage.
Avouons, d'après ce récit,
Qui n'est pas une fable,
Mais une histoire véritable,
Que les renards ont de l'esprit.