Pour deux ne faisons qu'un ménage,
Dit le Renard au Hérisson.
Venez partager ma maison,
Nous mangerons même potage ;
Nos intérêts seront unis,
Et, dans une retraite sûre,
A l abri de toute aventure,
Nous pourrons vivre exempts d'ennuis.
L innocent mordit à la grappe:
Il abandonne son réduit ;
Croyant le Renard, il le suit.
Dans le nouveau logis, tout lui plaît, tout le frappe.
L abondance pend au crochet,
L'opulence orne le buffet.
On peut toucher à tout , à rien on ne regarde :
On donne sur une poularde,
Attrayante par le fumet.
Tout en mangeant, d'un air de suffisance,
Le Renard instruisait son nouveau convié.
Devenez mon associé,
Et partagez ma petite abondance
Aux risques que je cours vous aurez peu de part ;
Je vous en sauve le hasard.
Les potagers sont pour vous sans barrière.
Ami de tous les jardiniers ,
On vous laisse rôder; mais rôdez de manière
A trouver le chemin qui mène aux poulaillers.
Votre renom est votre sauvegarde.
Rendez compte de tout, et moi seul je hasarde
De braver le guet et la garde,
Et jure , sur ma foi renarde,
Que nous aurons profusion de biens,
Malgré tous les panneaux, les fusils et les chiens.
Le Hérisson calculait dans son âme,
S'il entrerait dans cette trame,
Lui, qui pouvait ne vivre que de fruit.
Quand, tout-à-coup , on entend un grand bruit.
Un paysan, fort peu traitable,
Qui faisait les frais de la table,
Furieux contre son filou,
En furetant, a découvert le trou
Qui, du Renard, ferme l'entrée ;
Il vient de la remplir d'une paille soufrée.
L'étudiant, comme son professeur,
Sont étouffés par la vapeur.
Gens de bon lieu, vous l'a-t-on dit de reste ?
Les garnements sont pour vous une peste.