Le Vaisseau et le Gouvernail Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Poussé par une brise heureuse,
Un vaisseau voguait sur les mers,
Et sa carène aventureuse
Paisiblement fendait les flots amers.
La fidèle boussole, émule des étailes,
Concourait à le diriger,
Et réglant l'action et des vents et des voiles,
Le prudent gouvernail écartait le danger.
Le navire, à regret cédant à sa puissance,
Était humilié de cette obéissance ;
Il ne comprenait pas que ce fût pour son bien ;
C'était le gouvernail qui, dans plus d'un orage,
L'avait garanti du naufrage,
Par malheur il n'en croyait rien.
Fier de lui-même, il s'imagine
Qu'à la solidité de sa construction,
Il a dû jusque-là sa conservation ;
Son erreur causa sa ruine.
Un ouragan survient ; seul il veut le braver.
Rompant violemment le lien qui l'attache,
Au joug du gouvernail notre imprudent s'arrache,
Quand le gouvernail seul peut encor le sauver.
Pressé, battu par la tourmente
Dont la rage toujours augmente,
Il voit à chaque instant le péril s'aggraver.
Contre les vagues furibondes,
Il a quelques moments vainement résisté ;
Sur un écueil il est jeté,
Et ses vastes débris couvrent au loin les ondes.

Peuples, qui jouissez d'une féconde paix
Sous le pouvair qui vous gouverne,
C'est vous que ma fable concerne,
Et puissiez-vous surtout ne l'oublier jamais.

Fable 33




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