Un jour les animaux, pour juger les coupables,
Instituèrent le jury,
Croyant que l'innocent serait mieux à l'abri
Contre des erreurs déplorables.
Je n'oserais jurer que leur raisonnement
Fût pourtant des plus raisonnables ;
Mais tel était leur sentiment.
De l'aveugle hasard le bizarre caprice,
Sur lequel parfois nous comptons,
Désignait souvent des moutons
Pour organes de la justice .
Or, ces animaux, bonnes-gens,
Compatissants de leur nature,
Quand ils jugeaient la loi trop dure,
Trouvaient moyen d'être indulgents.
Un chat avait volé, c'était son habitude ;
Partant, le châtiment devait être plus rude ;
Nos moutons toutefois se montrèrent fort doux.
« - Ce chat est criminel, nul de nous ne le nie ;
Mais c'est pure monomanie :
Il faut avair pitié des fous. »
Un tigre avait tué son père ;
On le tire de son repaire,
On le conduit au tribunal.
Nos jurés sont instruits des détails de l'affaire,
Elle était on ne peut plus claire ;
C'est mal, se disent-ils, et même c'est très-mal ;
Mais son père a reçu de lui la sépulture,
Il n'en a pas fait sa pâture ;
Ce n'est pas tout-à-fait un méchant animal.
La femelle d'un ours reposait endormie.
Celui-ci l'étoufse en ses bras,
Si bien qu'elle ne le sent pas.
De nos féaux jugeurs voyez la bonhomie !
« L'ours a donné la mort, et c'est constant en fait ;
Mais une mort et si douce et si prompte,
Que, dans notre verdict, il faut en tenir compte. »
Ils en tinrent compte en effet.
Or ces raisons si concluantes
Et bien d'autres qu'ici je pourrais rassembler,
C'est ce qu'ils n'ont pas craint cependant d'appeler
Circonstances atténuantes.