La Chanteuse des rues Pierre Bergeron (1787 - 18??)

On était au déclin du jour ;
Déjà le soir épaississait son ombre.
Dans un endroit écarté, presque sombre,
Sur la borne d'un carrefour,
Belle encore et simple en sa mise,
Une femme s'était assise,
Et l'on faisait cercle à l'entour.
Elle chantait, et de sa mandoline
Les sons se mariaient à sa voix argentine,
Qui célébrait le bonheur et l'amour.
Son chant ne manquait pas de charme ;
Mais, malgré ses accents joyeux,
Elle souffrait, car dans ses yeux,
Moi, je vis briller une larme.
Pauvre femme, me dis-je attendri par ses pleurs !
Tu chantes, et pourtant le chagrin te dévore ;
Demain tú chanteras encore,
Malgré tes secrètes douleurs.
Courage , fais-toi violence,
Car ces gens disposés à payer tes refrains,
Si tu leur montrais tes chagrins,
S'éloigneraient tous en silence.

Telle est la vie humaine ; on a la joie au front,
Et dans le cœur un mal profond.
De la façon dont va le monde,
Si l'on a des revers, qu'on les cache avec soin ;
Et tel qui veut qu'on le seconde,
Doit paraître surtout n'en avoir pas besoin.

Fable 38




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